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"Travaille d'abord, tu t'amuseras ensuite" est une série d’affiches exploitant le principe du recto-verso et réalisées en association entre le graphiste Vincent Perrottet et le photographe Myr Muratet : au recto une photographie sans aucun commentaire — portrait ou paysage, image de notre époque qui se donne à regarder et réfléchir comme n’importe quelle œuvre d’art photographique — et au verso un mot d’ordre très fort sur lequel viennent se surimprimer des textes et citations de personnalités aussi diverses que généreusement brillantes (Gilles Deleuze, André Gortz, Max Frisch, André Comte Sponville, Robert Walser...)
Mais qui sommes-nous pour nous laisser faire ainsi ?
La charge est dans un premier temps directe et sans ambiguïté dans ce travail. "Compétitivité poil aux licenciés", "L'argent est roi (des cons)", "Actionnaires tortionnaires", ces titres fonctionnent comme des slogans à hurler dans tous les mouvements sociaux. Par le biais d'une typographie géométrique et grasse, ces affiches affichent la nécessitée d'une confrontation intense entre salariés, chômeurs, laissés pour compte d'un côté et de l'autre, patronat, actionnaires, financiers et politiques aux ordres. La lutte des classes affichée.
Et puis dans un deuxième temps, dans une petite typographie plus fine, des extraits de textes à lire tranquillement, qui nuancent, amplifient la critique, argumentent.
Enfin, des arrêts sur images photographiques. En quelques clichés défilent l'isolement, l'hébétude de l'isolement et peut-être quelques lumières, celles de rencontres ou de sourires.
Le graphiste est ici son propre commanditaire. Il veut donner son avis, il s'associe avec un photographe, il produit et finance sa réalisation, il fabrique dans le meilleur des ateliers de sérigraphie, il affiche lui-même dans les lieux et les moments de contestation, il distribue à qui veut bien relayer le travail et le message.
Le graphiste ici se pose la question — et nous pose la question, du statut du designer visuel, et de son rôle dans l'organisation de notre socialité.
La ville dans la ville
Le C.H.U. de Nantes accueille cette exposition dans l'un de ses halls les plus passant. Ce lieu n'est ni une galerie, ni un musée, ni une salle d'exposition avec ses publics captifs et triés. Ce lieu est le lieu vivant d'une confrontation entre un travail graphique et toutes sortes d'individus, les plus mélangés qui soient. Ici circulent et voisinent toutes les catégories de personnels de l'hôpital, tous les types de malades, allongés, assis, clopin-clopant, lents ou rapides, ici se déplacent toutes sortes de visiteurs, préoccupés, attentifs ou désœuvrés pour un moment. L'hôpital bât du pouls de la ville vivante.
C'est le sens de cette exposition en ce lieu, — s'adresser à toute la diversité du monde, au sein même de cette ville dans la ville qu'est le CHU au centre de Nantes.
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