Les affiches perdues de l'atelier populaire de Nantes - 1969/1981


 
« Voilà, m’faudrait une affiche simple avec un patron qui tient un juge par le bras, qui remonte la clef dans l’éducateur. Sur le côté un militaire qui sort des T.P.F.A derrière, les flics chargent une manif, expulsent les paysans et construisent une centrale nucléaire. Faudrait caser la marée noire qui coule du haut de forme du patron pour tomber dans les bras du pape. AH j’oubliais faudrait une femme au premier plan...

Ça pourrait être fait pour hier soir ?  »

Voilà le type de demande que travaillait cet atelier sérigraphique associatif, des années 1968 à 1981. Des lois interdisant l’affichage dans les rue à la lutte pour l’avortement en passant par la dénonciation du racisme ordinaire et les combats des paysans travailleurs, L’atelier popupaire de Nantes a produit des affiches au graphisme frustre, spontané et direct.

Dans la foulée de l’atelier populaire de l’Ecole des Beaux-arts de Paris en 1968, l’atelier populaire de Nantes voit le jour avec des étudiant(e)s de l’école d’architecture. En 1981, lors de son arrêt, il s’était transformé en association «agréée d’Education Populaire».
Dans les années 70, ce qu’on appelait «les luttes» s’accompagnaient quasi-automatiquement d’une production d’affiches collées dans la rue. Plus qu’un moyen de communiquer, c’était surtout l’occasion de se regrouper, d’échanger, d’être ensemble, de clarifier les positions. Créer et fabriquer une affiche permettait d’entretenir une dynamique d’action et de solidarité.

Et puis, la loi sur l’affichage d’octobre 1979 est promulguée (interdiction d’afficher en dehors des panneaux spécifiques) ; et puis, l’opération «Nantes ville propre» concrétise cette loi dans l’espace public ; et puis, la victoire de la gauche en mai 1981 signe la fin d’une période de luttes et donc d’activité autour de la création d’affiches revendicatives.

On a perdu ce qui aurait dû ne pas être conservé

Les affiches sérigraphiées à cette époque n’étaient pas destinées à être conservées, elles étaient produites, affichées dans l’instant, et basta.
Et puis «aucune archive ne devait être gardée, aucun exemplaire mis de côté, pour éviter la spéculation et parce que le destin de ces affiches était d’être collées et non conservées comme des images pieuses».
Il ne tenait qu’à des personnes sensibilisées sur la question de la mémoire de se démener pour récupérer ces images. On connaît l’anecdote de cette conservatrice de l’Imprimerie Nationale qui décollait les affiches encore fraîchement collées de l’atelier de l’école des Beaux-Arts de Paris en 1968.
Un des participants de L’atelier populaire de Nantes a eu le réflexe de conservation des affiches fabriquées pour garder la trace de moments forts de la vie de l’atelier et de l’époque dans laquelle de nombreuses luttes passaient par des affichages instantanés dans l’espace public, la rue. Ce corpus a été déposé en 1983 pour les fonds du Château des Ducs de Bretagne.
Mais l’histoire de la «Conservation des archives» est longue d’accidents de parcours et malgré les efforts des uns et des autres et des conservateurs du château pour trouver les traces du dépôt, nada, aucune indexation, aucune trace.

Les efforts pour trouver des exemplaires de ces affiches se sont avérés vains...

Déclassement et réappropriation

C’est un contraste fort qui est proposé par cette exposition — entre des affiches aux contenus contestataires et dénonciateurs d’une société des inégalités —, et le temple du goût, salle d’exposition dans un bâtiment qui a toujours été vanté comme l’exemple de la construction luxueuse du XVIIIe siècle nantais, bâti au cœur de l’île Feydeau avec les richesses issues du commerce triangulaire.

Le public de l’exposition pourra donc méditer sur le paradoxe de la confrontation entre les pilastres aux chapiteaux ioniques d’avec les écritures manuscrites des affiches de l’atelier populaire. Dans un cas, le signe du pouvoir et de la culture classique, déclassé et morbide ; de l’autre des signes fragiles, instinctifs, vivants et ... toujours d’actualité.


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Quelques exemples dans les centaines d'images produites par l'atelier populaire en un peu plus de dix années.

+ les originaux présentés lors de l'exposition : https://picasaweb.google.com/mcmarco99/AtelierPopNdlCPam










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dessins de Nicolas de la Casinière 




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Quelques vues de l'extérieur et de l'intérieur du Temple du goût, rue Kervégan à Nantes




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PAM, Laurent,
je vous cours après depuis hier
Il faut tirer 100 (!) affiches
pour qu'on les colle ce soir
Je suis à la MJ
jusqu'à l'aube
tél. moi
bises Roger
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AVIS
Le parlement a adopté.
Le président a promulgué
La présente loi relative à l'affichage.

Constitue une publicité à l'exclusion des enseignes et pré-enseignes, toute inscription, forme ou image destinées à informer le public ou attirer son attention... (art.1 bis).

En dehors des lieux qualifiés " agglomérations " ...toute publicité est interdite sauf dans les zones dénommées " zones de publicité autorisée " (art. 5)

A l'intérieur des agglomérations, la publicité est interdite : dans les zones de protection délimitées autour des sites classés (etc.). Le maire peut autoriser l'affichage d'opinion, et la publicité relative aux activités des associations mentionnées à l'article 11, sur des palissades de chantier dans des conditions déterminées par un décret du Conseil d'Etat... (art. 7a)

dans les agglomérations... la publicité doit satisfaire, notemment en matière d'amplacement, de surface etc., à des prescriptions fixées par décret en Conseil d'Etat... (art.7)

etc.

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